LA SERVITUDE VOLONTAIRE AU XXIème
SIECLE
1.
INTRODUCTION
Ce court essai est un brouillon
qui à ce jour manque d’exhaustivité, de cohérence conceptuelle et de style. Il
s’agit plutôt d’intuitions confirmées ou non par des lectures qui ont été mises
sur le papier au il du temps comme des graines jetées dans un jardin en attendant
de voir pousser des plantes, de les tailler et de se débarrasser des mauvaises
herbes pour tenter de donner forme à l’expression d’une sensibilité dans une
vision du monde. Il a pour vocation première de clarifier mes idées et sans
doute de libérer quelques tensions vis-à-vis d’un système socio-économique qui
me semble être d’une injustice absurde. C’est cette intuition d’absurdité et de
ce que Jacques Duboin nommait « la misère dans l’abondance » que j’ai
tenté de développer et c’est une intuition qui part aussi des prévisions
d’économistes come Keynes qui prévoyaient un mode qui intuitivement aurait dû
arriver mais dont l’absence paraît de plus en plus étonnante à mesure que le
progrès technique et la productivité qu’elle permet se développe. Comme son
titre l’indique, cet essai pourra être lu en complément de l’ouvrage de La
Boétie puisqu’il tentera de dégager quelques idéologies communément partagées
dans notre société (ceci dit je n’ai pas relu cet ouvrage depuis longtemps). Quant
aux idéologies de l’auteur, elles sont les plus difficiles à déceler parce que
bien souvent cause de souffrance mais cet essai n’est pas introspectif et si,
dans les idéologies décelées, le point de vue a de l’importance, observer une
idéologie depuis une certaine perspective comme observer un objet depuis une certaine
perspective n’empêche pas l’objet d’exister. J’espère faire évoluer cet essai
vers plus de rigueur conceptuelle mais aussi vers plus de puissance en tentant
d’ancrer les pensées aussi profondément que possible dans le terreau de
l’expérience sensible par la métaphore. En effet, il me semble que la pensée
d’un homme pour élever ses branches aussi loin que possible vers la lumière de
l’Absolu doit planter ses racines aussi profondément que possible dans l’expérience
sensible. La pensée sans expérience sensible tourne à vide dans une axiomatique
de calculatrice aussi froide que les machines qui tentent de nous robotiser.
C’est là la honte prométhéenne, celle de ne pas être un ordinateur efficace, un
parfait techno-gestionnaire à haut qi et faible sensibilité de la grande
machine-monde. Mais quiconque a un peu de sensibilité et de culture sait que le
génie humain célébré par les philosophes comme Kant ou Schopenhauer et par les
scientifiques comme Einstein et Bohr réside dans la pense profonde, celle qui
relie le cerveau reptilien au néo-cortex, c’est-à-dire la sensibilité au
concept par le biais de l’imagination dans un jeu de concaténations et
d’arborescences qui produisent la vie intérieure de l’homme. La preuve de cette
définition du génie humain est donnée chaque jour par les progrès de
l’intelligence artificielle qui minent la prétention à la supériorité de la
logique depuis les premiers logiciels d’échecs. Voici donc un texte qui
revendique sans honte prométhéenne et avec fierté humaine de plonger ses
racines dans la souffrance et la compassion. C’est donc aussi la pensée d’un
tempérament mystique qui pense comme Whitehead qu’il faut aller à l’intérieur
avant d’aller au-delà, c’est-à-dire rentrer en soi par la souffrance afin de reculer
et de prendre de l’élan pour mieux sauter et transcender sa conception du monde
vers une nouvelle conception plus vaste et plus profonde qui incorpore la
précédente. La pensée doit d’abord être vécue dans la chaire avant d’être
formulée non pas par romantisme, par nietzschéisme mais simplement parce qu’il
s’agit là du seul processus créateur possible alors que la conceptualisation
désincarnée est une reformulation tautologique d’axiomes que l’on doit laisser
aux machines. Le rôle de l’homme de formuler des axiomes issus de sa
sensibilité et pas de déduire des théorèmes, laissons cette tâche aux machines.
Le préalable de cet essai est
donc ancré dans la sensibilité. La pensée part non seulement d’un sentiment
d’injustice socio-économique mais
surtout d’injustices socio-économiques absurdes et indécentes dans une société
qui produit tant de richesses grâce à sa technique. Après avoir éprouvé ce
sentiment, j’ai donc lu des livres afin de trouver des éléments de réponse à
cette injustice absurde. (L’expression « injustice absurde » peut
paraître sotte et peut-être l’est-elle mais elle envoie à ce que Jacques Duboin
nommait « la misère dans l’abondance ». Il me semble qu’il peut y
avoir des écarts de richesses justifiables afin d’encourager les hommes les
plus doués pour les affaires et surtout les plus intéressés à la fois par les
affaires et l’argent qu’elles procurent à gagner plus d’argent. Ce texte n’est
donc pas fondamentalement contre le libéralisme mais il est contre un système
d’ailleurs assez peu libéral, qui produit des écarts démesurés de richesses qui
dans ces proportions n’ont pour seul bienfait que la vanité des oligarques dans
une possession de sommes complètement inutiles et impossibles à dépenser.) J’ai
trouvé des éléments de réponse dans les livres que j’ai lu mais je n’ai pas
trouvé d’articulation de ces éléments de
réponses qui me convienne totalement et c’est ce qui m’a amené avec mes
modestes compétences à tenter de fournir moi-même une telle articulation. Les
Cette articulation doit selon moi en s’organisant autour du thème fondamental
de la technique puisque les ouvrages de Jacques Ellul m’ont convaincu du rôle
fondamental joué par la technique. Voici
donc les thèmes que j’ai tenté d’articuler :
-
Le thème central de la technique a été développé
en s’appuyant sur les réflexions d’Ellul, Anders, Stiegler, Heidegger, Marx,
Schumpeter, Kurz, Postone, Gehlen,
-
Une réflexion sur l’idéologie et sur
l’anthropologie est analysée en prenant en compte les ouvrages de La Boétie,
Ellul, Chomsky, Marx, Veblen, Poloniy, Latouche,…
-
Une réflexion sur La démocratie qui a disparu au
profit d’une oligarchie et j’ai pu trouver des éléments de réponses dans les
ouvrages de Veblen, Galbraith (père et fils), de Ellul, Manin, Chouard,…
-
Une réflexion sur la répartition des richesses
en me référant à Marx, Keynes, Veblen, Galbraith, Allais, Payne, Sauvy,
Bryjolfsson,…
-
Une réflexion portant sur le travail et
s’appuyant sur Ellul, Gorz, Kurz, Marx, Aristote,…
-
Une réflexion diachronique afin de comprendre la
généalogie de notre structure socio-économique en lisant Marx, Kurz, Ellul,
Braudel,…
Autant le dire tout de suite, je
ne parviendrai pas à réaliser une articulation claire ce ces thématiques tant
le sujet est complexe et j’espère seulement proposer des pistes de réflexions
et des correspondances entre des analyses qui m’ont souvent parues dispersées
chez de nombreux penseurs à l’exception de Ellul qui reste la principale
référence de cet essai. Je terminerai mon analyse par une liste de solutions
pragmatiques qui ne résoudront pas totalement les problèmes évoqués mais
offriront une résolution partielle en amenant plus d’avantages que
d’inconvénients pour le bien commun, ce qui n’est pas difficile dans une
société orientée essentiellement vers la satisfaction des besoins d’une
oligarchie dont les besoins divergent de ceux de la majorité de la population. La
conclusion de cet essai est que la mesure fondamentale à mettre en place en
priorité est le revenu de base puisque c’est celui-ci qui pourrai augmenter le
niveau de conscience politique et réduire la tendance du système à évoluer vers
toujours plus d’inégalité, d’oligarchie et de tensions socio-économiques. Cette
analyse est basée sur l’impact de la technique mis en exergue par un penseur de
la technique comme Ellul mais aussi par des marxiens comme Kurz et des libéraux
comme Brynjolfsson qui ont réfléchi à l’impact de la technique. Il me semble en
effet important d’analyser les convergences entre des penseurs partant de
paradigmes et de points de vue différents. Mais encore une fois, tout système
de pensée, aussi complexe soit-il part d’une intuition et cette intuition est
celle de la misère dans l’abondance décrite par Duboin. C’est aussi l’intuition
de Keynes lorsqu’il prévoyait que l’homme du début du XXIème siècle ne
travaillerait que très peu grâce à l’automatisation. C’est de cette intuition
que je suis parti pour tenter de comprendre les autres anomalies aussi diverses
et variées du système socio-économique que les inégalités croissantes, le déni
de démocratie et l’obsolescence programmée. J’ai donc tenté de trouve une
explication à ces phénomènes et j’espère que mes réflexions permettront à des
individus plus doués que moi de développer des analyses plus rigoureuses et
plus convaincantes afin de sortir de la situation absurde dans laquelle nous
nous trouvons.
Le capitalisme cherche l’augmentation des profits et le meilleur moyen,
à long terme d’augmenter ces profits ( à court terme l’esclavage et le dumping
salarial sont des moyens qui par ailleurs freinent le développement technique)
est l’utilisation de la technique afin d’automatiser par la robotique et
l’informatique lal création de valeur. Quand on automatise et qu'une part de
plus en plus importante de travail devient superflu, les détenteurs de capitaux qui produisent plus
doivent vendre leur produits. Il faut donc que la masse grandissante d'individus rendue superflue puisse
consommer sans quoi
l'économie s'effondre. Il y a alors deux
solutions. Une politique dans l'intérêt de
la majorité de la population et donc du bien commun consisterait à redistribuer ces richesses produites, par exemple avec
un revenu de base. Mais le problème de
cette solution pour l'oligarchie est qu'elle
dominerait moins le reste de la population qui
n'aurait plus ou peu à répondre à ses
ordres et que l'oligarchie par conséquent perdrait son pouvoir. L'autre solution adoptée dans l'intérêt de
l'oligarchie afin qu'elle conserve et
augmente son pouvoir consiste, par besoin humain
de pouvoir et de domination, à utiliser cet
argent pour demander à la majorité toutes
sortes de services afin de maintenir la population dans un besoin perpétuel de travail et dans la peur de
le perdre et
d'être en manque, comme une population droguée.
Bien sûr tout le monde a l'illusion de
profiter des services mais en réalité, plus l'individu est en haut de la pyramide et plus il profite de cette
société de
service et plus il a du pouvoir dans cette
société de service avec l'aspect
anthropologique associé (donner des ordres, biens et services de prestige socio-économiques,...). Les moyens pour
maintenir le
peuple dans cette addiction sont alors:
l'économie s'effondre. Il y a alors deux
solutions. Une politique dans l'intérêt de
la majorité de la population et donc du bien commun consisterait à redistribuer ces richesses produites, par exemple avec
un revenu de base. Mais le problème de
cette solution pour l'oligarchie est qu'elle
dominerait moins le reste de la population qui
n'aurait plus ou peu à répondre à ses
ordres et que l'oligarchie par conséquent perdrait son pouvoir. L'autre solution adoptée dans l'intérêt de
l'oligarchie afin qu'elle conserve et
augmente son pouvoir consiste, par besoin humain
de pouvoir et de domination, à utiliser cet
argent pour demander à la majorité toutes
sortes de services afin de maintenir la population dans un besoin perpétuel de travail et dans la peur de
le perdre et
d'être en manque, comme une population droguée.
Bien sûr tout le monde a l'illusion de
profiter des services mais en réalité, plus l'individu est en haut de la pyramide et plus il profite de cette
société de
service et plus il a du pouvoir dans cette
société de service avec l'aspect
anthropologique associé (donner des ordres, biens et services de prestige socio-économiques,...). Les moyens pour
maintenir le
peuple dans cette addiction sont alors:
- Une fausse démocratie trahie par un système de représentativité acheté par le lobbying afin
d'orienter les décisions politiques dans l'intérêt
de l'oligarchie. Un système de deux parties qui prennent
toutes les mêmes décisions et font croire à une
alternance en théâtralisant leur
affrontement sur des points mineurs.
toutes les mêmes décisions et font croire à une
alternance en théâtralisant leur
affrontement sur des points mineurs.
- La création d'emplois publics pour aider cette création d'emplois qui n'existent plus.
- La privatisation de la dette des pays (pour offrir de bons placements aux détenteurs de
capitaux) associée à une hausse d'impôt pour
payer cette dette (les détenteurs de capitaux ayant accès à
l'ingénierie fiscale pour éviter de payer des
impôts et les états étant obligés de
créer des emplois pour amortir le chômage) et obliger la population à travailler plus.
l'ingénierie fiscale pour éviter de payer des
impôts et les états étant obligés de
créer des emplois pour amortir le chômage) et obliger la population à travailler plus.
- L'obsolescence programmée, symptomatique mais probablement encore
marginale.
- La peur de la pauvreté et du déclassement en cas de perte d'emplois.
-La propagande médiatique (faux chiffres du chômage, focalisation sur la croissance, déviation des
colères populaires sur tous les sujets permettant
une prise de conscience de cette disparition du travail,...) afin d'entretenir
une servitude volontaire idéologique internalisée,...
- Le diviser pour mieux régner, en général entre travailleurs pauvres et chômeurs afin d'amplifier
l'idéologie du travail.
- Le sophisme (attaque personnelle,...) : dans le cas de la disparition du travail, il
s'agit du sophisme des luddites qui est un bon
argument mais qui sous-entend que l'on est contre le progrès et que ce fait historique valable à une période donnée
est une loi fondamentale et éternelle de
l'économie selon laquelle le progrès technique
produirait toujours plus de travail qu'il n'en détruirait.
L'ingénierie sociale permet de maintenir le niveau de chômage, d'aides, de salaires et d'impôts
adéquats mais pas éternellement et quand
la pression monte et que la société arrive à une température
d'ébullition, le problème est que la seule
possibilité de dévier la colère arrivé à
un certain point est de favoriser les extrêmes, ce qui va malheureusement arriver (il va être intéressant de
voir comment avec l'accroissement de la productivité,
l'oligarchie a devoir inventer d'autres moyens de plus
en plus absurdes (même si l'obsolescence programmée
et la barre très haut dans ce domaine)
afin d'obliger les gens à travailler.
d'ébullition, le problème est que la seule
possibilité de dévier la colère arrivé à
un certain point est de favoriser les extrêmes, ce qui va malheureusement arriver (il va être intéressant de
voir comment avec l'accroissement de la productivité,
l'oligarchie a devoir inventer d'autres moyens de plus
en plus absurdes (même si l'obsolescence programmée
et la barre très haut dans ce domaine)
afin d'obliger les gens à travailler.
Donc finalement la soif de pouvoir a au moins autant d'importance que la technique dans l'origine de
ce choix de société. Et c'est ce choix de
société qui a empêché l'avènement du futur prédit par Keynes. Mais si le peuple accepte un tel système social qui est en
défaveur de la société c'est
principalement par l'internalisation d'une idéologie (servitude volontaire) du travail qui a pour origine
la technique.
A noter que plus une servitude est forte et plus
elle est volontaire et ancrée
profondément en miroir dans l'inconscient collectif et l'inconscient des individus de la société. Nous sommes
tous esclaves
d'idéologies et le processus de libération
consiste à passer de la servitude
volontaire à la servitude involontaire, c'est à dire forcée puis à la liberté.
A noter que plus une servitude est forte et plus
elle est volontaire et ancrée
profondément en miroir dans l'inconscient collectif et l'inconscient des individus de la société. Nous sommes
tous esclaves
d'idéologies et le processus de libération
consiste à passer de la servitude
volontaire à la servitude involontaire, c'est à dire forcée puis à la liberté.
La réflexion d'Ellul rejoint celle de Anders sur la honte prométhéenne de l'homme qui souhaiterait
devenir une machine et être efficace comme les
machines qu'il utilise. Cette honte prométhéenne par rapport à la machine est une honte par rapport au travai où l'homme
souhaite incarner le cadre dynamique
idéal. C'est de là que part le renversement,
ce n'est plus la machine qui sert l'homme ou le travail qui sert l(homme mais l'homme qui sert la machine et
le travail. Ellul par goût polémique
aimait utilisait la phrase des camps de concentration :"le travail rend libre".
2.
PREALABLE PHILOSOPHIQUE
Cet essai s’inscrit dans une
quête philosophique au sens général du terme, c’est-à-dire au sens d’un homme
cherchant un peu plus de sagesse et qui a tenté de développer une philosophie
peu technique et très modeste en s’appuyant principalement sur les philosophes
(Schopenhauer et Wilber) qui partageaient le mieux ses intuitions. Einstein, un
disciple de Schopenhauer, disait qu’il jugeait un homme à sa capacité à
s’éloigner de son égo. Schopenhauer faisait remarquer que les mystiques, de
quelques traditions qu’ils soient, disaient la même chose. Comme des guides de
haute montagne qui tentent de s’élever vers la sagesse, ils se croisaient de
plus en plus à mesure qu’ils se rapprochaient du sommet. Ce sommet, cette
pierre philosophique est l’union avec un esprit universel que chacun doit faire
éclore en soi comme une fleur qui s’ouvre. Si je me permets de telles
métaphores que mes piètres qualités de poète ne permettent pas d’élever, c’est
parce que le discours pénètre mieux l’esprit lorsqu’il remonte à ses racines
jusqu’aux intuitions les plus immédiates. Cette convergence de pensée observée
chez les plus grands philosophes et les plus grands mystiques de toutes les
traditions spirituelles de l’humanité, Rudolf Otto l’a aussi souligné dans son
ouvrage « Mystiques d’Orient et d’Occident » mais c’est le philosophe
Ken Wilber qui a donné à cette analyse sa forme la plus élégante en
s’inscrivant dans la tradition de Schopenhauer. Je ne m’étendrai pas sur la
philosophie de Ken Wilber et je laisse le lecteur curieux se renseigner à ce
sujet. J’aimerais cependant que le lecteur garde à l’esprit que cette
philosophie dite intégrale cherche avant tout à donner à l’esprit une
cartographie du savoir humain et qu’après un effort nécessaire afin de se familiariser
avec cette philosophie, cette cartographie est utile pour se repérer dans le
monde des idées et possède une élégance indiscutable.
Toute réflexion politique
présuppose un ensemble de valeurs afin de juger que la société doit évoluer
dans une autre direction. Ces valeurs, je les emprunte aux mystiques en
m’appuyant sur le constat déjà réalisé par plusieurs penseurs (Schopenhauer,
Wilber) d’un système de valeurs universelles que partagent les mystiques, de
quelques origines qu’ils soient. Le mysticisme, dans l’idée de l’union avec le
divin ou avec le kosmos, suivant qu’il soit d’origine religieuse (Eckart, Al
Hallaj, Nargarjuna) ou philosophique (Plotin, Schopenhauer, Wilber, Aurobindo)
amène à reconnaître le divin en chaque être dans une nuion au-delà du monde des
formes. Il consiste donc en un développement de l’empathie et par conséquent en
une compassion pur autrui. Si le mysticisme dépasse le dualisme entre le monde
pensée spirituelle et l’intuition sensible dans un mouvement permanent entre
une ascension par la sagesse et une union vers l’un et une descente par la
compassion vers le multiple. Un mysticisme qui ne ferait que s’élever et que
Plotin a dénoncé dans sa lettre aux gnostiques est aussi problématique qu’un
libéralisme, qu’un darwinisme social et plus généralement que le matérialisme
issu des lumières qui nieraient tous les liens entre les individus. C’est cette
harmonie entre le libéralisme et le socialisme, la liberté et l’égalité, les
différences entre les hommes et leur unité spirituelle, l’enracinement local et
l’universalisme que je nomme l’union non-dualiste entre l’ascension dans le
monde spirituelle et la descente dans le monde sensible. Plotin nous a ouvert
la voie philosophique de cette union et Aurobindo nous a ouvert à la fois une
voie philosophique et une voie politique dans son nationalisme spirituel. A
défaut de trouver une explication plus satisfaisante, j’utiliserais la
métaphore de l’arbre qui doit d’autant plus plonger ses racines profondément
dans le onde sensible qu’il doit élever ses branche dans le monde spirituel
c’est-à-dire en termes politiques, il n’y a pas non plus de contradiction impossible
à résoudre entre l’enracinement local dans un terroir et un universalisme
humaniste, de même qu’il n’y a pas de contradiction impossible à résoudre entre
la liberté et l’égalité et que les deux peuvent être approfondis comme le
revendiquait Aurobindo en s’inspirant de la révolution française et en
s’appuyant sur la fraternité, de même qu’entre le polythéisme et le
monothéisme, l’immanence et la transcendance. Cette réconciliation n’est pas
seulement philosophique ou théorique, elle est aussi pratique et se traduit
concrètement par des principes tels que le revenu universel pour allier le
meilleur du libéralisme et le meilleur du socialisme et la démocratie directe
avec un principe de subsidiarité afin d’allier le local et l’universel et,
selon les termes de Ellul, de penser globalement pour agir localement.
La question de la connaissance
est probablement la question centrale de la philosophie. Il ne s’agit
évidemment pas de répondre à cette question ici mais encore une fois, de
proposer des outils intellectuels pour penser cette question plus clairement.
Ceux qui ont plus réfléchi que moi à cette question trouveront probablement peu
d’intérêt à ces développements mais je les invite à me faire part de mes
erreurs. La question épistémologique a généralement été traité dans l’histoire
de la philosophie par une dialectique entre l’empirisme dont le modèle est
celui de Hume et l’idéalisme dont le modèle est l’empirisme fondamentale de
Kant. Je ne possède pas moi-même les compétences et les capacités pour résoudre
un tel sujet mais j’ai la conviction que la question a toujours été mal posé et
que les penseurs allemands après Kant se sont rendus compte de ce manque de
clarté et ont par tenté d’y répondre en traitant de l’évolution dans le temps
de l’esprit (Hegel, Schelling). Par rapport à ces penseurs, nous avons
l’avantage de pouvoir utiliser les concepts du darwinisme. Sous la perspective
du darwinisme, les modèles de l’idéalisme ne semblent plus appropriés puisque
le cerveau de l’homme est limité par son appartenance au règne animal et a
évolué pour s’adapter à son environnement. L’empirisme aussi ne semble pas
approprié puisque le cerveau de l’homme a été formé par des millénaires
d’évolution et que notre pensée est limitée par ces contraintes de l’évolution.
Il nous est ainsi impossible de penser intuitivement dans plus de trois
dimensions, dans un espace non-euclidien ou dans une logique
non-aristotélicienne. Il faut cependant constater que plus le cerveau de
l’homme a évolué, plus ses capacités d’abstraction se sont développées et plus
il a pu se libéré des déterminismes de son adaptation à la vie sur Terre. On
peut aussi scinder l’épistémologie selon le couple synchronisme/diachronisme et
se référer à l’ouvrage de Rougier intitulé « traité de la
connaissance » afin d’étudier le synchronisme issu du cercle positiviste
ou alors se référer à l’ouvrage « Etudes épistémologiques » de Piaget
afin d’’étudier la version diachronique de l’épistémologie. Ce qui m’importe
ici n’est évidemment pas de fournir des éléments de réponse à ces considérations
philosophiques mais de tenter de convaincre de l’utilité de l’outil conceptuel
du holon pour les questions épistémologiques. Le premier intérêt est de
remettre le positivisme à sa place, c’est-à-dire aux quadrants droits,
objectifs du holon. Le quadrant supérieur droit représente le positivisme
atomiste et le quadrant inférieur droit, le réductionnisme plus subtil des
formes variées de théories des systèmes. Les limites du monde objectif tiennent
à la forme du monologue, à l’opposé du dialogue avec une personne. Ainsi, si
j’étudie le cerveau d’une personne, je pourrais connaître ses ondes cérébrales,
la cartographie IRM de son cerveau, les concentrations de neurotransmetteurs
mais je ne pourrais jamais connaître la personne, ce qui nécessiterait un
dialogue. Le problème est le même pour les quadrants inférieurs avec
l’infrastructure et la superstructure d’une société pour reprendre Marx.
L’épistémologie, pour les gens comme moi qui manquent de compétences à ce sujet
pourtant fondamental, peut devenir plus claire grâce au concept de holon. Pour
connaître, il faut un sujet, un objet et une méthode. Nommons 1p (1ère
personne) le quadrant personnel subjectif, 2p le quadrant collectif subjectif
et 3p le quadrant objectif. La méthode scientifique hypothético-déductive est
alors un sous-ensemble de l’ensemble des méthodes épistémologiques, à savoir la
méthode 3p-3p-3p (le sujet objectif étudie avec une méthode objective un objet
objectif). C’est la méthode la plus puissante et c’est celle qui a fait le plus
avancer les civilisations pour la raison qu’elle est cumulative et que l’on
peut plus facilement « monter sur les épaules des géants ». Mais il
ne s’agit pas de la seule méthode. Si je discute avec un ami, il faut que mon
espace intérieur corresponde avec son espace intérieur et que j’applique alors
une méthode plus intuitive à la première personne. Pour des développements à ce
sujet, le texte suivant est intéressant : (http://www.hudsoncress.net/hudsoncress.org/html/library/buddhism/Wilber,%20Ken%20-%20Excerpts%20from%20Volume%202%20of%20the%20Kosmos%20Trilogy.pdf).
Cette épistémologie permet ainsi
la distinction entre la première personne (le Beau, la critique de la faculté
du juger), la seconde personne (le Bien, la critique de la raison pratique) et
la troisième personne (critique de la raison pure). A noter que dans la
distnction entre le subjectif (noumène) et l’objectif (phénomène) , la
troisième personne correpond à l’objectif et que dans la distinction entre l’un
et le multiple, la troisième personne est elle-même scindée entre l’objectif
appliquée à l’un (positivisme classique) et l’objectif appliqué au multiple
(objectivisme subtil dont le modèle est la théorie des systèmes). Le subjectif
répond à une logique de dialogue tandis que l’objectif répond à un objectif de
monologue. Cette épistémologie peut servir de cartet afin de placer des
penseurs tels que Freud, Jung, Husserl et Heidegger dans le quadrant supérieur
gauche (première personne – l’un subjectif) ; Habermas, Gadamer,
Levis-Stauss dans le uadrant inférieur gauche (seconde personne – le multiple
subjectif) ; les théoriciens des systèmes comme Bartalanffy ou les
sociologues positivistes comme Comte dans le quadrant inférieur droite
(troisième personne – le multiple objectif) et enfin les scientifiques
classiques (Neton, Einstein,…) dans le quadrant supérieur droit (troisième personne
– l’un objectif). A noter que très souvent les penseurs ont un centre de
gravité dans un quadrant mais se situent sur plusieurs quadrants (Newton et
Einstein dans les deux quadrants droits) et utilisent une dialectique entre
plusieurs quadrants afin de développer leur pensée (Marx par exemple avec
l’infrastructure du quadrant inférieur droite et la superstructure du quadrant
inférieur gauche). Le holon peut alors être utilisé comme un outil efficace
afin de clarifier les interactions entre les différentes approches qui se
développent dans ces échanges.
En reprenant le schéma du holon,
on peut caractériser le karma par l’intérieur du holon dans les quatre
quadrants. Dans le quadrant supérieur droit, il s’agit des structures
corporelles et cérébrales. Dans le quadrant supérieur gauche, des structures
intellectuelles. Dans le quadrant inférieur gauche de structures culturelles de
l’individu dans la société (religion, niveau d’instruction, idéologies, classe
sociale,..) et dans le quadrant inférieur droit des structures matérielles
d’une société (habitat, salaire,…). Les problèmes d’évolution à différents
stades provoquent d’autant plus de difficultés que ces problèmes surgissent à
des niveaux fondamentaux du développement. Ainsi un problème de développement
au niveau du cerveau reptilien posera plus de difficultés qu’un problème de
développement sur une zone superficielle du néo-cortex. De la même manière, un
problème de développement à un niveau intellectuel sensori-moteur posera plus
de difficulté qu’un problème surgi au niveau conceptuel. Le fait pour un sdf de
ne pas pouvoir se loger et se vêtir posera plus de difficultés que l’absence
d’un dernier modèle de smartphone. Des visions erronées du monde à des niveaux
fondamentaux, par exemple fatalistes et pessimistes ancrées profondément
poseront plus de problèmes qu’une fausse représentation de la théorie de la
relativité générale. Plus les disharmonies sont profondes et nombreuses et plus
elles prennent de l’énergie à l’Etre et empêchent son développement. La racine
du développement intellectuel, la force qui pousse le holon à s’accroître selon
ses quatre dimensions est le goût pour l’Absolu. C’est ce goût pour l’Absolu
(qui entre en contradiction apparente avec la finitude de l’animal) qui pousse
tout holon (atome, animal, homme) à la créativité par la résolution des
tensions dans l’émergence de propriétés nouvelles. Le goût pour l’Absolu, c’est-à-dire
le goût pour le Bien, le Beau, le Vrai, est d’autant plus élevé que l’individu
est sensible (Encore une fois, il ne s’agit pas de faire une quelconque
apologie de la sensiblerie ou du romantisme mais de constater de différences
chez les hommes avec des individus plus ou moins sensibles et par conséquent
plus ou moins idéalistes. Une sensibilité élevée et donc un goût pour l’Absolu
puissant sont souvent des handicaps dans la vie pratique puisqu’il est
difficile d’aller contre la nature et que pour prendre une métaphore
Schopenhaurienne, la volonté de l’homme chevauche alors un cheval sauvage qui
n’en fait qu’à sa tête et n’écoute pas la volonté). De mémoire, Whitehead
utilisait la formule « within and beyond », c’est-à-dire à
l’intérieur et au-delà. On pourrait utiliser la formule « reculer pour
mieux sauter ». Ainsi lorsque sur le plan intellectuel l’individu arrive à
des contradictions, il est obligé d’examiner en détail les principes
fondamentaux sur lesquels s’appuie sa réflexion afin de résoudre le conflit
conceptuel, généralement par un saut vers un nouvelle interprétation, un
nouveau paradigme. Cette démarche se produit dans les quatre dimensions
ontologiques de l’Etre. Au niveau psychologique (quadrant supérieur gauche),
l’individu se trouve devant une crise existentielle et est souvent obligé
d’examiner les fondements de ses émotions en étudiant leur généalogie. Et c’est
dans une clarification de ses émotions qu’il peut après avoir reculé sauter
vers une nouvelle interprétation, une nouvelle représentation. L’Etre en tant
que holon est attiré vers l’Absolu et est d’autant plus attiré vers ce point
oméga que sa sensibilité est élevée. Ce conflit entre la finitude de l’Etre et
l’attrait pour l’Absolu crée une souffrance. De la souffrance naît un retour
vers les fondements de l’Etre dans ses quatre dimensions. Et de cette
clarification des fondements, de ce recul à l’intérieur peut suivre un saut
créatif qui va rapprocher l’Etre du point oméga. L’Etre, par ces crises
existentielles dans ses quatre dimensions se rapproche de l’idéal par sauts
quantiques et augmente à chaque saut sa sensibilité. Le but de l’Etre est de
s’élever vers l’Absolu, vers la sagesse et cela n’est pas un hasard si les
philosophes (Schopenhauer, Wilber, Otto) ont constaté que les mystiques
suivaient des parcours variés ancrés dans leurs milieux mais délivraient les
mêmes messages. Pour illustrer ces propos par une image, l’ascension de la
montagne de l’Etre amène les randonneurs de haute altitude que sont les
mystiques à se croiser plus souvent.
3.
LA TECHNIQUE
De nombreux paramètres entrent en
jeu lorsque l’on tente d’analyser une société. Emmanuel Todd a démontré dans
ses livres l’importance du type de cellule familiale qui structure la relation
à autrui et la vision politique de l’être humain ainsi que les rôles joués par
la démographie et le taux d’alphabétisation. On dit généralement que c’est
l’économie qui prime sur la politique. Mon intuition, qui je pense est
confirmée par la justesse des analyses de Ellul est que la technique a un rôle
plus important que l’économie. Et cette technique n’a pas en soi un rôle plus
important mais comme le dit Ellul, l’être humain a besoin de sacré et il a
sacralisé la technique. Je pense comme Ellul que les idéologies économiques
telles que celles de la productivité, du travail et de la croissance et plus
généralement l’homo oeconomicus décrit par Dumont sont avant tout des
conséquences de la révolution industrielle. Il y a alors un phénomène de honte
prométhéenne décrit par Anders par laquelle l’homme cherche à être aussi
efficace qu’une machine. Si la technique possède un rôle plus important que
l’économie et que la politique, cela ne tient pas à une essence de la technique
qui serait par nature plus importante. C’est l’homme qui partage avec les
autres hommes une vision du monde et que cette vision du monde, ce système de
valeur a mis la technique en haut de sa hiérarchie de valeur, rendant le reste
secondaire. Comme une servitude est d’autant plus volontaire qu’elle est
inconsciente, celle-ci est ancrée à mon avis plus profondément dans la
structure mentale de l’homme que les idéologies économiques ou politiques. Nietzsche
a déclaré Dieu est mort. S’il semble que cette phrase soit vraie, Heidegger a
bien senti que la volonté de puissance a mis la technique à la place de Dieu,
c’est-à-dire l’immanence à la place de la transcendance. L’histoire depuis les
Lumières n’est alors comme l’a décrit Wilber qu’un processus de réduction de
toute la vie subjective et inter-subjective de l’homme à une vie objective et
inter-objective. Cette idole pourrait très bien être remplacée par une autre
plus puissante encore que la technique. Il faut noter qu’à mesure que la
technique évolue, l’idéologie évolue, passant par exemple d’une vision du monde
mécaniste à une vision du monde fondée sur les ordinateurs. Par ailleurs, à
mesure que la technique évolue, elle remplace les composantes les moins nobles
de l’homme, nous permettant de mieux comprendre que le génie humain se situe
dans la sensibilité et ses fruits (imagination, art, humour,…) que dans la
force brute physique ou intellectuelle. L’homme et la machine co-évoluent, dans
une robotisation de l’homme et une humanisation de la machine jusqu’à une
fusion probable. A ce jour, je n’ai pas trouvé de meilleurs outils conceptuels
pour me représenter l’action des différents paramètres sur la société que
d’imaginer des analogies, soit avec un système de forces appliqué à un solide
avec des forces de directions et d’intensités différentes, soit avec un système
d’axiomes dont le champ des possibilités socio-économiques serait restraint par
quelques axiomes fondamentaux de natures variés. Mais l’image qui me convient
le mieux est celle du holon parce qu’elle m’aide à visualiser les différentes
composantes d’une société et les processus de dialectique entre l’un et le
multiple, le subjectif et l’objectif et cela me permet de visualiser la structure
d’une société dans une perspective à la fois synchronique et diachronique. Bref,
cela me procure une carte mentale me permettant de mieux visualiser la société.
Lorsque des analyses partant de
point de vue différents, pour ne pas dire opposés, à savoir les marxistes de la
critique de la valeur (Robert Kurz,…) et les libéraux des universités
américaines (Erik Brynjolfsson et Andrew McAfee du MIT) parviennent aux mêmes
conclusions, à savoir que l’on est arrivé à un stade où l’innovation technique
détruit plus d’emplois qu’elle n’en crée, la nécessité de nouveau modèle basés
sur le revenu de base et l’économie contributive est évidente. Le chômage est
structurel depuis de nombreuses années et seuls les changements de méthode dans
le calcul du chômage parviennent à le maintenir à un niveau de trois millions.
L’erreur des luddites est devenue une idéologie dans le sens où ce constat
historique sur une période donnée de l’histoire devrait nous inciter à la
prudence quant à une fin du travail régulièrement annoncée mais il faut garder
à l’esprit qu’il s’agit là d’un simple constat historique et non pas d’un
axiome mathématique ou d’une loi fondamentale de la physique. En effet, aucune
loi économique ne prouve que le progrès technologique crée toujours plus
d’emplois qu’il n’en détruit et les dernières décennies tendent à prouver le
contraire.
L’esclavage était un frein au
développement technique durant l’Antiquité grecque, comme pouvait l’attester
l’écart entre le développement scientifique et technique de cette société.
Aujourd’hui, la mondialisation offre une main d’œuvre à bas coût qui freine le
développement technique, la pression pour automatiser étant plus forte lorsque
le coût du travail à automatiser est plus élevé. Mais ce ralentissement sur une
période du processus d’automatisation va créer une accélération de
l’automatisation dans les années à venir avec l’augmentation des salaires des
pays en voie de développement, la hausse des coûts de transport et la hausse du
niveau de formation des habitants des pays en voiei de développement qui
offrent, particulièrement en Inde et en Chine des viviers de plus en plus
importants d’ingénieurs capables d’automatiser à bas coût.
4.
L’IDEOLOGIE
Il n’y a pas de dichotomie, de
discontinuité entre l’esclavage et la liberté mais seulement des degrés de
libertés. A chaque fois que les murs d’une prison tombent, d’autres se dressent
mais plus loin que les premiers et l’homme gagne un degré de liberté
supplémentaire. Cette prison est principalement mentale et est constituée des
idéologies qu’il faut sans cesse repérer dans un premier temps pour ensuite les
dépasser avant que ne se dressent d’autres idéologies dans un processus sans
fin où l’homme, malgré sa finitude, aspire à l’Absolu, c’est-à-dire aux
catégories platoniciennes du Bien, du Beau et de Vrai.
Les quatre composantes de l’être
humain en tant que holon sont indispensables au développement politique. Dans
le quadrant subjectif individuel, la méditation, la réflexion et la culture
permettent à l’homme de s’élever vers la sagesse des mystiques et d’augmenter
par la même occasion le niveau de conscience de l’homme et par conséquent son
niveau de sagesse et de compassion en dépassant ainsi le dualisme entre l’un et
le multiple, c’est-à-dire entre le monothéisme et polythéisme, entre la
transcendance et l’immanence. Mais peu importe l’explication théorique, ce qui
est fondamental c’est que l’homme par des pratiques de réflexion et de
méditation parvient, quelque soit sa culture d’origine, à prendre de la
distance par rapport à son égo et à augmenter son niveau de compassion. Le
détachement du moi passe souvent par la visualisation de ses émotions et de ses
pensées comme autant de nuages défilant sous un ciel pur. Les similitudes de
ces démarches sont évidentes même si, aujourd’hui encore, le manque d’étude
scientifique nous empêche encore d’utiliser une précision scientifique afin de
décrire ces changements évolutifs dans la conscience de l’homme. Cette
élévation de la conscience humaine à une conséquence politique évidente
puisqu’il serait impensable pour Maître Eckart ou Candrakata de partager
l’idéologie nazie dans l’Allemagne des années 30. Le dogme inverse à celui de
la compassion est le dogme de l’égoïsme qui se traduit sous des formes
différentes telles que la volonté de puissance nietzschéenne, la cruauté
sadienne, ou le darwinisme social. Il ne faut pas alors confondre le retrait en
soi du mystique avec l’égoïsme qui peut être une dérive du mystique (lettre de
Plotin aux gnostiques) mais le développement spirituel nécessite une
dialectique entre le retour sur soi et le dépassement de soi, de la même
manière que le développement politique nécessité une dialectique entre la
tradition et l’universalisme. L’exemple du mystique politique Aurobindo, adepte
du nationalisme spirituel est révélateur de ces dialectiques.
Dans cette analyse, la dialectique
marxisme constitue un sous-ensemble entre les quadrants inférieurs droit
(infrastructure) et gauche (superstructure). Mais les dialectiques entre les
quatre quadrants sont nécessaires, de même que les dialectiques à l’intérieur
de chacun de ces quadrants.
L’acte fondateur de la politique
dans toute conscience humaine est la prise de conscience de cette prison
idéologique dans laquelle il est prisonnier. De la même manière que Socrate
s’élevait vers la sagesse philosophique parce qu’il savait qu’il ne savait
rien, l’homme doit s’élever vers la sagesse politique et par conséquent vers la
liberté en prenant conscience qu’il est un prisonnier. Etre libre, c’est savoir
que l’on est un prisonnier et la formule selon laquelle on n’est jamais aussi
libre qu’on fond d’une cellule est juste à de nombreux niveaux. Tout homme est
un prisonnier mais pour parvenir à briser les murs de sa prison mentale,
l’homme doit d’abord projeter la lumière de sa conscience sur ces mêmes murs
sans quoi il se heurte à ces murs comme un aveugle. L’homme, avant d’être un
animal pensant est un animal qui sent et sa pensée naît de sa sensibilité. Avant
de comprendre cette servitude, il doit la sentir. Sentir cette servitude, c’est
tout d’abord sentir des absurdités, des bugs dans la matrice pour reprendre la
terminologie d’un film populaire inspiré par Wilber. La première intuition de
l’homme doit être de se rendre compte qu’il ne possède qu’une liberté relative,
c’est l’intuition de la liberté. La seconde intuition politique de l’homme en
regardant le monde est celle de l’inégalité et elle a été formulée par Marx,
par Orwell (la décence commune), par Duboin (la misère dans l’abondance). C’est
une émotion naturelle qui naît en voyant une ferrari passer devant un
sans-domicile-fixe. Cette seconde intuition est celle de l’égalité. La seconde
intuition est celle du conflit apparent entre les deux premières intuitions.
Les mystiques ont tous formulé une appartenance avec le monde, une possession
d’une part du divin en eux-mêmes qu’ils partageaient avec les autres hommes.
C’est ce que les chrétiens appelaient l’union avec Dieu ou ce que les
bouddhistes appelaient voir à travers le voile de Maya, à travers le principe
d’individuation et l’égoïsme. Les soufistes musulmans et les philosophes grecs platoniciens comme Plotin tenaient le même discours. Cette
réalisation est une acuité élevée de la sensibilité qui se traduit par
l’empathie et la compassion. Dans l’idéal républicain, cette compassion pour
dépasser la contradiction entre la liberté et l’égalité est la troisième
intuition fondamentale, la fraternité.
L’acte pour s’affranchir des murs
est un acte permanent, qui ne s’arrête jamais. Avant de tenter la difficile
tâche dont mon esprit se sent incapable et qui consisterait à articuler les
idéologies, je vais tenter de citer les briques fondamentales de ces murs,
c’est-à-dire les idéologies que nous avons tous plus ou moins internalisés dans
nos conscience.
Un pouvoir exercé par des moyens
physiques évidents et par la force physique est un pouvoir de type faible. Un
pouvoir subtile exercé au sein même de la conscience de l’esclave est un
pouvoir de type fort puisqu’il rend plus difficile la prise de conscience de
l’atteinte à la liberté de l’individu.
Cette idéologie consiste à faire
croire que toute opposition a une idée A se traduit par une idée B,
c’est-à-dire que non-A=B. Elle consiste aussi à faire croire que A et B sont
des essences binaires et qu’il y a une discontinuité fondamentale entre A et B.
Ainsi à l’idéologie du libéralisme s’oppose celle du libéralisme, à la gauche,
la droite. Il existe une version particulière de celle idéologie qui consiste à
choisir l’idéologie B de telle manière que l’on puisse discréditer toute
alternative à A, c’est la célèbre formule « there is no
alternative ». On choisit B tel que B soit impossible, c’est-à-dire que B
n’a que des effets néfastes. On pose alors non-A=B et B=0.
Si le système politique assurait
le bien du peuple, alors la population pourrait travailler seulement quelques
heures par semaine pour vivre ensuite dans un confort agréable. Le peuple
n’aurait besoin que de quelques heures de travail parce que, comme l’avait
prévu Keynes, les gains de productivité sont si importants qu’il n’y a besoin
désormais que de peu de travail humain. Cette situation prévaudrait en régime
démocratique mais dans le régime actuel, le but principal de l’oligarchie est
d’accroître par tous les moyens possibles ses richesses et par conséquent son
pouvoir. Hors les richesses de l’oligarchie n’augmentent pas lorsque le peuple
ne travaille pas et ce qui est plus grave encore, le niveau de conscience d’un
peuple augment avec le temps libre. Puisque la majeure partie du travail
effectué n’est pas nécessaire et n’améliore pas la qualité de vie de la
population, on peut considérer que l’oligarchie a réussi une mise en esclavage
subtile. Les moyens que l’oligarchie a utilisés sont les suivants :
Selon Platon, il fallait que
l’écart des salaires soit de 1 à 3. La méritocratie ne justifie pas que des
êtres humains puissent vivre des vies fondamentalement différentes et doit
seulement encourager l’esprit d’entreprise. A cela il faut ajouter que la
méritocratie du système capitalisme favorise généralement le court terme,
l’immoralité et les jeux de concurrence à somme nulle alors que les créateurs
qui créent de la richesse à long terme par de réelles innovations (inventeurs,
artistes, scientifiques,…) sans détruire celle des autres par la concurrence
bénéficient peu du système de la main invisible. Cette méritocratie est donc
biaisée en faveur des lobbys les plus puissants et de la prédation à court
terme généralement destructrice de valeur. Sans tomber dans l’excès inverse
d’une économie dirigée ou planifiée, il faut donner des limites à la main
invisible par différents leviers (taxes, protectionnisme, subventions,…) afin
d’optimiser la création de valeur à long terme.
Cette opposition est une
opposition idéologique et il n’est pas économiquement utopique d’être comme un
économiste prix nobel, pour le libéralisme afin d créer de la valeur et pour le
socialisme afin de la distribuer.
L’idéologie du darwinisme social
détruit la compassion, l’empathie et la fraternité au sein d’une société. Le
modèle du darwinisme social est en bas de la société le gangstar-rap et en haut
de la société le spéculateur de Wall Street. Dans le darwinisme social,
contraire au réel darwinisme puisque les animaux, très souvent s’aident, la
société est atomisée et le but de l’existence devient l’ascension de la
pyramide sociale. La prise de conscience politique vient souvent de la
souffrance. L’internalisation psychologique de cette idéologie est telle que
tout individu en bas de l’échelle sociale a intégré psychologiquement le fait
de ne pas avoir le droit à la parole. Défendre son point de vue en tant
qu’opprimé serait faire preuve de victimisation. Alors que les individus du
haut de la pyramide défendent leur vision du monde et cette même pyramide qui
les place en haut, les individus en bas de cette même pyramide sont
psychologiquement incapables de défendre leur position. A toute plainte d’un
homme d’en bas, l’homme d’en haut répond qu’il n’a qu’à travailler pour se
hisser en haut. Mais cet argument présuppose une autre idéologie, à savoir
qu’il est juste qu’un être humain parce qu’il a plus de chance et d’aptitude
qu’un autre puisse vivre dans le luxe tandis que l’autre vit dans la misère.
Aucun homme n’est une île disait
le poète Pope. La souffrance psychologique de l’homme a une composante
socio-économique. Le système actuel a un coût externe élevé en favorisant des
maladies physiques et mentales chez l’homme. Il a été prouvé que des mesures
comme le revenu de base diminuent ces problèmes.
Pour obliger les individus à
travailler, il faut avant tout créer un climat de peur. Tout pouvoir doit être
internalisé dans l’individu et la peur liée à la mise au banc doit régner dans
son esprit afin de le rendre plus réceptif à la corruption et à la trahison de
son être et de ses valeurs.
Les hommes sentent qu’il y a un
écart anormal entre le niveau de productivité de la société et le niveau de vie
potentiel qui devrait en découler avec le niveau de vie réel dont ils
bénéficient. De cette prise de conscience naît une frustration et une colère.
La stratégie des coupables et bénéficiaires de cette organisation sociale est
de dévier la colère populaire vers des sous-groupes de la population tels que
les émigrés ou les fonctionnaires.
Les émigrés sont des victimes du
système et s’en prendre aux émigrés revient à céder à la stratégie oligarchique
du diviser pour mieux régner. L’immigration est utilisée dans le cadre de la
libre circulation des hommes, des biens et des capitaux et a pour principal
objectif d’exercer un nivellement par le bas des salaires et des conditions de
vie.
L’impôt sert essentiellement à
payer une dette qui n’a aucune légitimité. L’oligarchie a imposé aux états de
lui donner son pouvoir de création monétaire et de s’endetter auprès de
l’oligarchie afin de contrôler le système de l’argent et d’investir son argent
dans un placement sûr, la dette étatique.
La liberté est assimilée à la
liberté de consommer. Il faut alors que tout soit consommable et l’idéologie
libertaire est alors utilisée comme le cheval de Troie du libéralisme
(Clouscard).
Une fois que les gains de
productivité rendent possible une diminution de la quantité de travail
productif, la société, plutôt que de réduire la quantité de travail, s’est orientée
vers une société de service. La société de services est, dans les grandes
lignes, une société de services rendus par les plus faibles aux plus forts,
c’est-à-dire une société de maîtres et d’esclaves. Il s’agit pour les classes
dominantes de jouir d’un différentiel de classe qui serait moins marqué dans
une société où la quantité de travail baisserait et où les gains de
productivité seraient redistribués par un revenu de base.
La prise de pouvoir par la dette
consiste simplement à remplacer la dette publique sans intérêt (sous De Gaulle)
par une dette privée avec intérêt. La première dette profite au peuple, la
seconde à l’oligarchie qui trouve un placement sûr.
Il s’agit d’utiliser les racines
judéo-chrétiennes afin de justifier la souffrance au travail. L’individu ne
travaille alors plus pour vivre mais vit pour travailler et le travail, dans
une société où la solidarité s’est dissoute dans le l’idéologie du darwinisme
social devient le seul accès aux revenus et à la société, c’est-à-dire qu’il
devient l’alpha et l’oméga de l’existence humaine. Cette centralité du travail
devient alors essentielle si l’on oublie que durant le moyen-âge, c’est-à-dire
avant la montée en puissance du pouvoir de la bourgeoisie et donc de l’argent,
il occupait une place secondaire (Gorz, LeGoff).
Si la distinction entre les deux
formes de capitalisme est difficile, s’il existe des degrés de productivité et
si une partie du jugement est subjective, il n’en demeure pas moins qu’il
existe une part objective dans cette distinction qui peut se fonder sur des
critères précis. Qui plus est, que l’on s’en remettre à un système de lobbying
ou de main invisible (ce qui revient au même puisque les gagnants de la main
invisible deviennent souvent à long terme les gagnants du lobbying par leur
pouvoir financier), il existe dans tous les systèmes politiques une orientation
des forces productives. Un critère très simple pour juger du degré de
productivité d’une activité est le critère comparatif avec d’autres cette même
activité dans un autre pays. Si je prends l’exemple du droit du travail
français au moins dix fois plus volumineux que le droit du travail suisse, il
s’en suit que le lobby du droit du travail français a créer une complexité
artificielle qui a un coût pour la société. Il s’agirait alors par des calculs
plus précis de calculer le coût externe d’un travail de la même manière que
l’on peut calculer le coût externe d’une entreprise polluante.
L’idéologie de la démocratie est
une forme d’idéologie binaire qui consiste à sous-entendre qu’il y a une
essence platonicienne démocratique alors qu’il ‘existe que des degrés de
démocratie. Cette idéologie permet d’empêcher une population de demander plus
de démocratie. Une démocratie représentative ne peut être que faiblement
représentative. Nous vivons réellement dans une oligarchie dans laquelle
l’articulation entre l’argent et le politique se fait par le lobbying et la
corruption des représentants du peuple. Le bien commun de la population n’est
pas recherché et la politique consiste à assurer le bien d’une fraction de la
population.
L’idéologie du complot est de
deux types. Il y a ceux qui voient des complots partout et ceux qui n’en voient
jamais. Ce deuxième type d’idéologie est utilisé dans le sophisme classique qui
consiste à discréditer l’interlocuteur. Il n’y a pas dans c texte de
dénonciation d’un complot d’une oligarchie mais le simple constat d’une
divergence de l’existence d’une oligarchie dont les intérêts ne sont pas
alignés avec ceux du peuple.
5.
LA DEMOCRATIE
Etienne Chouard montre bien
comment cette différence entre démocratie représentative et démocratie directe
est fondamentale. Il insiste en disant que dès les fondements de la démocratie,
les grecs ont insisté sur l’impossibilité d’une démocratie représentative. Parler de démocratie
représentative est déjà une terminologie orwelienne destinée à oublier cette
contradiction. La plupart des théoriciens politiques comme Rousseau ont mis en
garde contre le mensonge d’une démocratie représentative. Une solution pour
remédier à ce problème est l’instauration du tirage au sort afin de réintégrer
le peuple dans l’arène politique. Un tirage au sort progressif avec par exemple
seulement 10% d’élus tirés au sort durant les premières années, un principe de
subsidiarité pour traite en local tout ce qui peut l’être, une restriction du
nombre de mandat à un seul mandat sont autant de pistes possibles pour sortir
progressivement de la démocratie représentative.
Dans son ouvrage « the predator state », James
Galbraith constate la corrélation entre le chômage et l’inégalité. Pour
Galbraith, ces phénomènes sont similaires. Il prend alors l’exemple
contre-intuitif de la comparaison entre l’Europe et les USA. L’argument
officiel est qu’il y a plus d’inégalités aux USA mais moins de chômage qu’en
Europe. Mais Galbraith précise qu’en réalité cette comparaison est fallacieuse
parce qu’elle est faite non pas entre l’Europe et les USA mais entre
l’Allemagne et les USA, la France et les USA,… Hors l’Europe est un marché
commun et si on compare l’Europe aux USA, il y a à la fois plus d’inégalités et
de chômage en Europe qu’aux USA.
L’argument principal opposé à la
démocratie directe est celui de la complexité. Il faut bien comprendre que
cette complexité est essentiellement artificielle et destructrice. Le but d’une
démocratie directe, en redonnant le pouvoir au peuple et de rehausser le niveau
de conscience du citoyen et de lui faire prendre conscience du caractère
artificiel d’une complexité créée, comme cela est décrit plus bas pour
justifier un système de lobbying et extraire la valeur productive des citoyens.
C’est une fausse opposition
puisque l’être humain doit plonger d’autant plus profondément ses racines dans
le local qu’il cherche à s’élever vers l’universel. Il n’y a donc pas de
contradiction entre le nationalisme et une vision universelle de l’homme. De
même, pour quiconque s’élève vers l’universel et pense que l’Absolu avec
l’attrait pour le Bien, le Beau et le Vrai est en chaque être humain est
présent à des niveaux de développement variés en chaque être humain ne peut
accorder de primauté aux différences superficielles de couleur de peau, de
langage, de culture mais peut très bien célébrer le génie de sa culture locale
ou de son dialecte sans que cela entre en contradiction avec un universalisme
spirituel. Quant à célébrer le génie d’une couleur de peau, cela semble aussi
absurde que de célébrer le génie d’une couleur de cheveux ou de taille de pied.
Une affinité qui se produirait pour une telle raison est spirituellement basse
et l’homme qui penserait d’une telle manière ne doit pas être attaqué mais doit
être encouragé par le dialogue à s’élever spirituellement.
La grande arnaque est ce que
l’oligarchie cherche à cacher par tous les moyens possibles. C’est un vol,
c’est le grand hold-up quotidien qui fait que chaque être humain devrait vivre
dans le futur prévu par Keynes et ne travailler que quelques heures par
semaine. Dans le chapitre précédent, j’ai précisé quelles sont les idéologies
permettant de dissimuler cette arnaque comme la lettre volée de la nouvelle d’Edgar
Poe. Ce vol est réalisé par le lobbying et principalement par le lobbying
bancaire. Mais il est aussi réalisé par d’autres lobbyings qui trahissent le
vol par une scholastique inutilement complexe, signe révélateur de l’existence
d’une caste de lobbyste exploitant la complexité artificielle qu’ils ont
eux-même créés afin de capter un maximum de richesse. Cette complexité permet
aux oligarques d’éloigner le peuple de la politique et de cacher une arnaque
derrière un jargon spécialisé.
La portion des métiers créant la
richesse productive (essentiellement dans les secteurs primaires et
secondaires) est de plus en plus faible. Il s’agit donc d’extraire cette
création de valeur réelle par un processus de lobbying. Keynes pensait que dans le futur, les hommes
travailleraient moins.
Mais ne peut-on pas attribuer à chaque métier
une valeur d'utilité sociale (par exemple
très faible pour un designer de yacht de luxe ou un spéculateur) et alors constater que la part des métiers à forte
utilité sociale sur la population de tous types
de métiers diminue et que cette
diminution est due à un effet de dissolution de la démocratie (malheureusement représentative) dans le
lobbying
(https://twitter.com/hunterwalk/statuses/368797171954376704), phénomène
probablement lié aux accroissements des inégalités ( dans l'ouvrage récent que je n'ai pas encore lu
"le capital au XXIème sièclee",
Thomas Piketty semble assez bien décrire cette montée des inégalités). On assisterait alors au vol du futur
de Keynes que j'ai tenté de décrire par
la métaphore suivante:
Lorsque seule une petite portion de la
population produit ces biens, alors le
processus de détachement entre les métiers producteurs de valeur et les métiers qui captent cette valeur par la
prédation et l’expertise technique
s’accroît. Ce système est lié au phénomène de lobbying. Prenons l’exemple de la construction d’une route qui nécessite le travail de mille personnes. Il y a un
péage pour payer ces mille personnes et
il faut payer un euro à chaque fois que l’on prend la route. Mais la construction d’une route nécessite aussi une
expertise juridique. La valeur réelle de
l’expertise juridique est de 10 centimes
que devrait payer chaque consommateur au péage. Mais le lobby des juristes parvient à faire pression, à
complexifier le droit de la construction
de route, à rendre nécessaire un degré d’expertise qui ne l’était pas pour justifier de prélever non pas
10 centimes mais 1 euro. Les autres
lobbys (finance, environnement, fiscalité, marketing,…) procèdent de la même manière. A cause de ce système, le
consommateur ne doit plus payer un total de 2
euros pour toute la route mais un total
de 10 euros. Il devra alors travailler cinq fois plus. Au lieu du futur prévu du type de celui de Keynes dans lequel
nous ne travaillerions plus qu’un jour par
semaine, nous continuons à travailler
cinq jours en dépit du progrès technique. Si le système fonctionne ainsi, c’est en partie par une idéologie du
travail qui incite les politiques à
prendre des décisions créatrices d’emplois mais surtout par corruption puisque au final les politiques iront
terminer leurs carrières dans les lobbys
qu’ils ont le plus aidé. Ce système fait gagner
une partie infime de la population (lobbystes, travailleurs les plus rémunérés (parce qu'ils ont le meilleurs lobbys
et non pas parce qu'ils apportent le plus
de travail réel), politiques) au détriment de la majorité de la population. Pour rééquilibrer le système vers le
bien commun, seule une démocratie directe
redonnant le pouvoir au citoyen au
détriment du lobby, c’est-à-dire à l’homme au détriment de l’argent pourrait alors résoudre le système. Il
faudrait alors prendre en compte la
question du coût externe du lobbying pour la collectivité qui peut être considérée comme une pollution au même
titre que la pollution de certaines
industries nécessite de prendre en compte leur coût externe.
Lorsque seule une petite portion de la
population produit ces biens, alors le
processus de détachement entre les métiers producteurs de valeur et les métiers qui captent cette valeur par la
prédation et l’expertise technique
s’accroît. Ce système est lié au phénomène de lobbying. Prenons l’exemple de la construction d’une route qui nécessite le travail de mille personnes. Il y a un
péage pour payer ces mille personnes et
il faut payer un euro à chaque fois que l’on prend la route. Mais la construction d’une route nécessite aussi une
expertise juridique. La valeur réelle de
l’expertise juridique est de 10 centimes
que devrait payer chaque consommateur au péage. Mais le lobby des juristes parvient à faire pression, à
complexifier le droit de la construction
de route, à rendre nécessaire un degré d’expertise qui ne l’était pas pour justifier de prélever non pas
10 centimes mais 1 euro. Les autres
lobbys (finance, environnement, fiscalité, marketing,…) procèdent de la même manière. A cause de ce système, le
consommateur ne doit plus payer un total de 2
euros pour toute la route mais un total
de 10 euros. Il devra alors travailler cinq fois plus. Au lieu du futur prévu du type de celui de Keynes dans lequel
nous ne travaillerions plus qu’un jour par
semaine, nous continuons à travailler
cinq jours en dépit du progrès technique. Si le système fonctionne ainsi, c’est en partie par une idéologie du
travail qui incite les politiques à
prendre des décisions créatrices d’emplois mais surtout par corruption puisque au final les politiques iront
terminer leurs carrières dans les lobbys
qu’ils ont le plus aidé. Ce système fait gagner
une partie infime de la population (lobbystes, travailleurs les plus rémunérés (parce qu'ils ont le meilleurs lobbys
et non pas parce qu'ils apportent le plus
de travail réel), politiques) au détriment de la majorité de la population. Pour rééquilibrer le système vers le
bien commun, seule une démocratie directe
redonnant le pouvoir au citoyen au
détriment du lobby, c’est-à-dire à l’homme au détriment de l’argent pourrait alors résoudre le système. Il
faudrait alors prendre en compte la
question du coût externe du lobbying pour la collectivité qui peut être considérée comme une pollution au même
titre que la pollution de certaines
industries nécessite de prendre en compte leur coût externe.
Ce phénomène de lobbying s’est
accentué durant ces dernières décennies. Ainsi, si dans les années 70 seuls 3%
des sénateurs et congressmen terminaient leurs carrières dans les industries de
lobbying, ils sont aujourd’hui plus de 60%. Ce phénomène n’est pas nouveau et a
été décrit par Veblen dans une formulation sans doute plus juste qui est celle
de phénomène de prédation. Il s’agit pour ces catégories sociales prédatrices
de s’accaparer les richesses créées par les catégories sociales productrices.
Ici on se heurte à une première difficulté qui est celle de la distinction
entre une activité productive et une activité prédatrice. Mais si cette
distinction est difficile à réaliser, s’il y a une part de subjectivité dans le
jugement, il n’en reste pas moins une part d’objectivité. Il convient ici de
tenter une réflexion sur notre capacité à éliminer la part subjective. La
recherche d’un consensus de la subjectivité qui est semblable au point oméga de
la théorie de l’agir communicationnel de Habermas n’est pas à confondre avec
une objectivité (pour reprendre l’analogie des quadrants, les partie
subjectives et subjectives du holon sont bien distinctes). Par exemple en
diversifiant un portefeuille d’actions, j’élimine la caractéristique des
différentes compagnies et je me rapproche d’un investissement dans le marché
(par exemple en France le CAC40) mais ce marché n’est pas objectif et il peut
réagir à des mouvements irrationnels. J’utiliserai donc comme critère de
productivité d’une activité sa situation dans la pyramide des besoins humains
de Maslow. Il est ainsi objectif de constater que les activités de
construction, d’agriculture répondant aux besoins de nourriture, de protection
et de chauffage sont objectivement très utiles. Le second critère est un
critère comparatif. Ainsi, si je compare le droit du travail en France et le
droit du travail en Suisse, je constate que le droit du travail en France est
dix fois plus volumineux. Je peux alors conclure non pas que le droit du
travail français est mieux ou moins bien que le droit du travail suisse mais
qu’il existe une complexité artificielle dans le droit du travail français. A
chaque fois qu’il y a présence de complexité artificielle, c’est qu’il existe
un phénomène de prédation par le biais d’un lobby qui justifie son existence en
créant une complexité artificielle afin de dévier la richesse créée par les
activités productives vers ces lobbys prédateurs. Je renvoie ici à la métaphore
du chapitre précédent.
James Galbraith reprend la thèse
de Veblen : « La société non-industrielle comprenait une classe de
loisir : les guerriers, les prêtres,… Les capitaines d’industrie sont dans
le prolongement de la caste des guerriers, ce qui explique le développement de
beaucoup d’entreprises sur le modèle militaire La classe des loisirs ne
travaille pas. Ils occupent des bureaux. » J’ajouterai que l’on pourrait
dire qu’en tant que prédateurs ils sont eux-mêmes les principaux collecteurs de
taxe sur les classes productives, ce qui est ironique sachant leur propension à
se plaindre des taxes sur leur « travail ». Galbraith poursuit son
raisonnement « Ils réalisent des rites d’honneur. Pour eux, le revenu
n’est pas une compensation pour le travail ou les biens qu’il permettra
d’acquérir. Le revenu est plutôt une attestation par la communauté du prestige
accordé à son rang… La classe des loisirs est prédatrice par nature : la
prédation est sa fonction… La relation prédateurs-proies est une relation
d’interdépendance. Les prédateurs ont besoin des proies pour leur subsistance,
mais ils doivent aussi motiver leur assistance… Don contrairement à Marx, dans
l’analyse de Veblen les classes industrielles ne sont pas seulement maintenues
au niveau de subsistance. Au contraire : le succès des prédateurs dépend
de l’existence de proies bien payées. Il existe donc une classe de proies
inclue dans les cercles prestigieux des prédateurs. Comme on fait comprendre à
ces proies qu’elles sont privilégiées, elles ne sont pas révolutionnaires par
nature.»
La société actuelle est très
proche de celle décrite par Veblen et elle est bien plus proche de cette
société qu’elle ne l’était au milieu du XXème siècle. Dans une société
prédatrice favorisée par la mondialisation, la libéralisation des marchés,
l’automatisation qui accroît les inégalités et la financiarisation de
l’économie, l’analyse de Veblen est plus d’actualité que jamais. Le caractère
prédateur de notre économie n’est pas à ce pas confondre avec une prédation
libérale de libre-entreprise. Il s’agit d’une prédation de lobbying dans une
collusion de l’état et du secteur privé.
Ces dernières décennies ont montré un exemple particulièrement révélateur de ce
phénomène. Le phénomène internet
Le lobbying bancaire a un pouvoir
central évident dans une société dominée par l’argent. Ce pouvoir s’est accru
depuis la loi de 1974 en obligeant l’état à emprunter l’agent sur les marchés
financiers en abandonnant son pouvoir de création monétaire. A ce pouvoir
s’ajoute la spéculation en utilisant l’argent des déposants ainsi que le
système fractionnaire ou la possibilité d’emprunter à taux faible aux banques
centrales pour prêter à taux plus élevé. Mais ces thèmes ne sont pas l’objet de
cet essai et seule la souveraineté monétaire ainsi que la séparation entre les
banques de dépôt et les anques d’affaires sont centraux.
Ne sachant plus quoi inventer
pour obliger les citoyens à travailler dans un contexte de gains de
productivité, le système en vient à programmer elle-même l’obsolescence de ses
produits. L’absurdité d’une telle mesure un aussi un signe, comme la complexité
artificielle de certains jargons, d’une situation complètement absurde ou plus
rien ne permet de justifier de telles quantités de travail.
6.
LA REPARTITION DES RICHESSES
La répartition des richesses est
centrale dans l’analyse de Marx et a été étudié récemment dans l’ouvrage de
Piketty intitulé « le capital au XXIème siècle ». Il y a plusieurs
analyses possibles à cette évolution. Si on aborde le problème sous l’angle de
la technique, celle-ci pousse en automatisant à concentre les richesses au sein
d’une oligarchie en remplaçant l’homme par la machine. Piketty constate que
seules les guerres mondiales ou de manière générale les grandes crises ont
inversé ce phénomène lorsque les inégalités ont amené à des catastrophes telles
que les oligarchies sont obligées de céder une partie de leurs richesses au
peuple.
Dans chaque intuition il y a
souvent une vérité cachée. Dans la gêne que procure l’ostentation du luxe, il y
a comme dans la linguistique un rapport entre le signifiant, le produit de
luxe, et le signifié, c’est-à-dire l’inégalité socio-économique. L’argument
généralement utilisé pour justifier le luxe est qu’il crée des emplois. Mais
cet argument est trompeur puisque si le luxe n’existait pas, les
investissements et les forces de travail investies dans le luxe, c’est-à-dire
au service de l’oligarchie seraient investis au service du peuple. Si à titre
individuel certaines personnes du peuple peuvent bénéficier du luxe en ayant un
emploi dans ce secteur, d’un point de vue global le peuple ne bénéficie pas de
l’existence d’un marché du luxe. De plus, ce problème n’est pas seulement
économique et la politique consiste aussi en la prise en compte de valeurs que
j’ai centré sur la compassion et la sagesse des mystiques et ces valeurs sont
incompatibles avec la vanité qui est le principal moteur de ce marché.
7. LE TRAVAIL
Cette analyse de l’activité humaine par secteur d’activité a été
abordé par Colin Clarck et J. Fourastié (the conditions of economic progress,
1940). Ainsi Colin Clark découpe les secteurs d’activité de la manière
suivante:
- Le secteur primaire qui
exploite les ressources naturelles.
- Le secteur secondaire qui
transforme des biens matériels.
- Le secteur tertiaire qui
produit des services.
Le secteur primaire a traditionnellement occupé la majorité des
travailleurs en France. C’est depuis 1870 que le secteur ne regroupe plus la
majorité absolue de l’effectif de la population active. Les gains de
productivité ont été prodigieux dans ce secteur puisque le secteur primaire
n’occupe plus que 3% de la population active alors que la France est un pays
exportateur qui tient un rang important dans ce secteur.
-
Le secteur
secondaire :
Le secteur secondaire emploie 24% de la population française
active en 2003. Le thème de la désindustrialisation est un des thèmes clés du
débat politique français contemporain. Si le maintien d’une industrie française
est nécessaire, les débats politiques s’inscrivent généralement dans le court
terme et ne semblent pas prendre en compte les tendances lourdes. Ainsi la
population active travaillant dans le secteur secondaire est en Allemagne de
33% alors que l’Allemagne est le premier pays industriel haut de gamme. La
France pourrait alors dans un scénario idéal augmenter de 10% sa population
active du secteur industriel. Cependant un tel scénario est hautement
improbable puisque l’Allemagne jouit d’une position extrêmement favorable et
l’existence dans le monde sur le même continent de deux pays industriels aussi
puissants est une impossibilité. En effet, l’Allemagne a profité d’un contexte
caractérisé par la fourniture de machines-outils aux pays qui année après année
fabriqueront de plus en plus par eux-mêmes ces machines. De plus elle a profité
d’une situation de quasi-monopole au sein de la zone euro qui ne pourrait être
envisageable pour la France étant donné la situation économique de la zone euro
et l’impossibilité d’un monopole qui serait dans le meilleur des cas à partager
avec l’Allemagne. Aussi, si l’automatisation du secteur secondaire a été
ralentie grâce à l’émergence des pays en voie de développement, elle va
s’accélérer dans les décennies à venir du fait d’une pression à la robotisation
accrue lorsque les pays comme la Chine commencent à automatiser eux-mêmes leurs
processus de production.
Cette évolution dans les secteurs d’activité rappelle une fois
encore la formule de Chesterton pour qui «les vérités actuelles sont des
vérités chrétiennes devenues folles». En effet, après que la force physique
humaine ait été remplacée en grande partie dans les secteurs secondaires et
tertiaires, de nombreux penseurs (Vickers, Gabor, Silbermann) ont pensé que le
secteur tertiaire pourrait accueillir tous les hommes libérés du travail par la
machine. Il convient alors de définir ce que l’on entend par le secteur
tertiaire. Je fais dans cette thèse la séparation entre les activités
analytiques pouvant être généralement remplacées par l’informatique à moyen
terme (l’exemple du match entre Kasparov et l’ordinateur Deep Blue illustre
bien l’application des tâches analytiques aux machines) et les activités
sensibles. Je prends le parti de Schopenhauer et d’Einstein qui assimilaient le
génie humain à la sensibilité, source de l’imagination, de l’empathie et de la
créativité. Les activités du secteur tertiaire se composent généralement
d’activités analytiques mais aussi d’une proportion plus ou moins élevée de ces
activités sensibles que je nomme activités du secteur quaternaire. Ainsi
définies ces deux secteurs, il est évident qu’à long terme, des proportions de
plus en plus grandes du secteur tertiaire seront remplacées par les logiciels
et qu’il ne restera plus qu’un secteur quaternaire.
Le secteur quaternaire tel que nous le définissons ici n'est pas
le secteur habituellement défini comme étant quaternaire[5].
Il s'agit d'un secteur qui ne peut pas, du moins à court et moyen terme être
remplacé par l'automatisation (robotique et intelligence artificielle). La
robotique peut remplacer aisément l'effort physique humain et même les gestes
de précision tels que les opérations de chirurgiens peuvent être remplacés par
la robotique. L'intelligence artificielle et les logiciels peuvent remplacer
des tâches intellectuelles complexes. Ainsi l'induction dans la recherche
scientifique peut être remplacée par des logiciels qui trouvent des lois, c'est
à dire des équations reliant des grandeurs physiques. De la même manière, la
déduction et la démonstration de théorèmes à partir d'un système d'axiomes peut
être réalisée dans les mathématiques grâce à des logiciels. Nous définissons le
secteur quaternaire comme celui qui ne peut pas être remplacé par la machine.
Ce secteur renvoie au génie humain tel qu'il a été défini par Schopenhauer,
c'est à dire à la créativité. Il n'est pas certain que cette créativité ne
puisse pas être remplacée un jour et dépassée par la machine. Cependant en ce
qu'elle constitue le pic de l'expérience humaine et sa quintessence, il reste
le plus difficile à remplacer même si nous n'excluons pas la possibilité que
cette capacité de l'homme constitue le dernier bastion de son illusion quant à
la place divine qu'il occupe dans l'univers après que Copernic et Darwin aient
balayé les autres. Néanmoins nous considérons que la créativité, qu'elle
s'exprime dans le domaine artistique ou dans le domaine scientifique constitue
la quintessence du génie humain. Il convient alors de définir cette créativité.
La créativité prend racine dans l'imagination qui elle-même prend racine dans
la sensibilité selon Einstein et Schopenhauer. On peut vérifier que les
individus les plus créatifs sont généralement des individus considérés comme
hypersensibles et que leur imagination fonctionne d'une manière
«synesthésique», les connexions neuronales entre des parties éloignées du
cerveau étant plus fortes que pour la moyenne des individus. Les effets
puissants de l'environnement stimulent la sensibilité qui elle-même stimule
l'imagination et le sujet sous l'emprise de l'imagination tente de synthétiser
ces données sous une forme plus ou moins dense selon ses capacités de synthèse.
Le secteur quaternaire qui viendrait à remplacer les autres secteurs serait par
conséquent celui qui encourage les activités créatrices, c'est à dire les
métiers de chercheurs, d'artistes et d'inventeurs.
La question se pose alors de savoir si ce secteur est une
destination finale de l’activité humaine ou s’il s’agit d’un mirage, d’une
illusion de fin de l’histoire. Des chercheurs dans les laboratoires travaillent
actuellement à la création de robots pour les hôpitaux qui puissent comprendre
les émotions humaines et remplacer par exemple des employés dans le secteur
médical. Seulement, soit la machine n’atteint pas le niveau de sensibilité d’un
être humain et il ne peut concurrencer un individu, soit il le peut mais dans
ce cas rien ne peut le distinguer d’un individu. Masuda parle grâce à cette
transformation d’un passage des valeurs matérielles aux valeurs temporelles (
the information society as post-industrial society, world future society, 1981,
page 74): «Pour l’Homme, la valeur temps se situe à un niveau plus élevé que
les valeurs matérielles sur l’échelle des valeurs fondamentales de l’activité
économique. Cela parce que la valeur temps correspond à la satisfaction des
besoins humains et intellectuels, là où les valeurs matérielles correspondent à
la satisfaction des besoins physiologiques et pratiques».
L’analyse généalogique à long terme montre que le travail
naît avec la révolution industrielle et qu’il est une conséquence de la machine
et de l’idéologie de la productivité que celle-ci engendre. Je ne développerai
pas ici ces thèses que l’on retrouve dans les ouvrages de Gorz ou de Ellul. Je
vais me concentrer sur l’évolution récente du travail en termes de secteurs
d’aactivité.
L'ouvrage de Maurice Allais[1] donne une
évolution quantitative des déplacements d'emplois (en milliers) par secteurs
d'activité depuis 1955. Il insiste sur une césure en 1974 qui marque le début
de la mondialisation :
l'ingénierie fiscale pour éviter de payer des
impôts et les états étant obligés de
créer des emplois pour amortir le chômage) et obliger la population à travailler plus.
- Le sophisme (attaque personnelle,...) : dans le cas de la disparition du travail, il
s'agit du sophisme des luddites qui est un bon
argument mais qui sous-entend que l'on est contre le progrès et que ce fait historique valable à une période donnée
est une loi fondamentale et éternelle de
l'économie selon laquelle le progrès technique
produirait toujours plus de travail qu'il n'en détruirait.
2.
PREALABLE PHILOSOPHIQUE
Années
|
Agriculture
|
Industrie, bâtiment et génie
civil exclus
|
Industrie génie civil et
agricole
|
Tertiaire marchand
|
Tertiaire non-marchand
|
Total des valeurs absolues
|
1955-1974 (moyenne par année)
|
-144
|
52
|
33
|
157
|
44
|
Δ=410
|
1974-1992 (moyenne par année)
|
-61
|
-85
|
-23
|
154
|
67
|
Δ=390
|
Δ
|
P
|
δ=Δ/P
|
|
1955-1974
|
410
|
20242
|
2.025%
|
1974-1992
|
390
|
23851
|
1.635%
|
Comme l'écrit Maurice Allais[2], « le
progrès technologique et les modifications de la structure de la demande
impliquent des mutations du système productif qui ne peuvent se réaliser que
progressivement par des changements d'emploi à l'intérieur de chaque profession
et surtout de profession à profession. Il résulte de là que l'on peut prendre
comme indice du progrès technologique dans une période donnée le rapport de la
population active totale du montant global moyen des variations en valeur
absolue de la population active dans les différents secteurs...On peut déduire
de là que l'influence du progrès technologique a été sensiblement la même dans
les deux périodes et qu'il a été au plus de l'ordre de 2.5% dans la seconde
période comme dans la première. »
calculer l'indicateur en France et dans le monde après
1992
Dans le paragraphe suivant, le modèle de Maurice
Allais est optimisé lorsque la corrélation entre le taux de sous-emploi observé
et le taux de sous-emploi modélisé est optimal. Cette corrélation optimale
R=0,9965 est obtenue pour D=1.4%. Comme
le taux de sous-emploi induit par le facteur technologique est proportionnel à
δ, on obtient: D=1.4%=Cte*2,025% pour la période 1955-1974 et D=1.4%=Cte*1.635%
pour la période 1974-1992.
Toutefois, il faut noter que la mesure du taux de
sous-emploi induit par le progrès technologique est complexe à calculer et
qu'il faudrait examiner les biais possibles dans cette analyse:
–
Multicolinéarité
entre les facteurs du modèle (facteurs A, B, C, D paragraphe 7,8).
–
Le
critère cité plus haut par Maurice Allais afin de mesurer le progrès technique
est biaisé pour plusieurs raisons :
–
si
un secteur d'activité devient prépondérant, comme c'est le cas des services
aujourd'hui, alors le progrès technologique entrainera des variations d'emplois
seulement à l'intérieur de ce secteur qui ne seront pas comptabilisées dans la
meusre de Δ.
–
En
valeur absolue, la population déplacée d'un secteur à l'autre est comptabilisée
deux fois, c'est à dire dans le secteur d'où elle vient et dans le secteur où
elle va.
–
La
cause de ces déplacements sectoriels n'est pas exclusivement technologique
puisqu'un autre facteur tel que le libre-échangisme peut aussi influencer des
déplacements de la population active entre différents secteurs.
La thèse selon laquelle le progrès technique amène à la
disparition de l’emploi est assez simple. Elle part du principe qu’à long terme
l’automatisation permettra de produire l’ensemble des biens et des services
nécessaires à la satisfaction des besoins humains en employant un nombre
d’humains négligeable. Cependant cette thèse énoncée par des penseurs tels que
Keynes, Friedman, ou Duboin a été réfuté par l’histoire depuis les révoltes de
luddites et des canuts au début du XIXème siècle. La réfutation de cette thèse
est la position économique orthodoxe aui trouve son origine dans la loi des
débouchés formulée par Jean-Baptiste Say: «Un produit crée offre, dès cet
instant, un débouché a d’autres produits, pour tout le montant de sa valeur.[…]
Le fait seul de la formulation d’un produit ouvre, dès l’instant même, un
débouché à d’autres produits.» Martin Ford critique les théoriciens qui font de
cette loi expérimentale une loi théorique du même ordre qu’une loi physique.
Sur le plan épistémologique Martin Ford a tort puisque comme le décrit Karl
Popper, la science repose sur le principe de falsifiabilité, c’est-à-dire
qu’une loi est supposée valide jusqu’à ce qu’elle soit contredite par
l’expérience. Le problème revient donc à tenter de comprendre si cette loi tend
à être contredite par les faits actuels et peut être formuler ainsi: le progrès
technique crée-t-il autant ou plus d’emplois qu’il en détruit? Dans ce cas, il
faudra alors analyser si cette contradiction est une contradiction générée à
court et moyen terme par un ajustement de cycle économique ou s’il s’agit d’une
tendance longue indépendante des cycles de Kondrieff et du processus de
destruction créatrice de Schumpeter. Alfred Sauvy a clarifié cette relation de
l’influence du progrès technique sur l’emploi en analysant le problème de la
manière suivante. «Aucune question économique ne présente de contraste aussi
frappant, ni de paradoxes aussi troublants. En schématisant à l’extrême:
- l’opinion quasi unanime, de tous temps et en tous lieux, a accusé
la machine (et plus généralement le progrès technique) de créer du chômage, en
supprimant des emplois ;
- l’observation des faits, dans les pays industriels, montre qu’il y
a beaucoup plus d’emplois qu’avant la machine, beaucoup plus d’emplois aussi
que dans les pays sans machine ;
- la science économique contemporaine évite la question, en la noyant
dans le processus de croissance.»
Si cette thèse s’appuie largement sur les travaux de Sauvy, l’hypothèse
selon laquelle la part des activités humaines remplaçables par la machine risque d’augmenter jusqu’à empêcher toute
possibilité de déversement est peu abordée par Sauvy. Cet oubli relatif
peut s’expliquer par le manque de recul de Sauvy concernant le potentiel de
l’informatique. En effet, comme le rappelle Wassily Leontief, «le rôle des
humains en tant que principal facteur de la production est condamné à diminuer,
de la même manière que celui des chevaux dans la production agricole fut
d’abord réduit, puis finalement éliminé par l’introduction des tracteurs. A
cela il faut ajouter que la vitesse de remplacement de l’humain par la machine
dépend évidemment du coût du travail. Or celui-ci a subi de très fortes
pressions à la baisse ces dernières décennies à cause de la mondialisation
mettant sur le marché du travail une masse considérable de travailleurs à bas
coût. Mais ce frein à l’automatisation ne saurait durer puisque les pays à très
forte démographie comme la Chine et l’Inde commencent eux aussi à pratiquer
l’automatisation. Ainsi, alors que les médias mettent en avant la
mondialisation comme cause principale et implicitement unique de la baisse des
emplois, des économistes comme Paul Krugman pensent que «l’inquiétude,
largement exprimée dans les années cinquante et soixante, que l’automatisation
prendraient leurs emplois aux travailleurs de l’industrie est plus proche de la
vérité que les prétentions actuelles à expliquer la perte des emplois par la
concurrence étrangère. (Kurgman, trade, jobs and wages, scientific
american, avril 1994, pages 46 /47).
Il reste à savoir comment étudier ce problème du lien entre le
chômage et le progrès technique. Ainsi « Jacques Duboin constate qu’un
symptôme essentiel consiste en l’augmentation simultanée de la production et du
chômage dans une économie déterminée » (Jacques Duboin, les yeux ouverts).
Ce critère est probablement le principal critère permettant de rendre compte
d’une manière quantitative du lien entre le progrès technique et l’emploi.
8.
GENEALOGIE DE LA SOCIETE
9.
LA POLITIQUE
Si la situation est difficile, il
faut éviter la tentation de l’abandon du politique qui est ce que recherche le
système pour atomiser et amener les oppositions à la dépression. Je vais dans
cette partie rappeler l’essence de la politique selon Julien Freund, l’intérêt
de la philosophie de Wilber et ensuite dégager des possibilités concrètes
d’actions.
- Le public et le privé.
- L’ami et l’ennemi.
Le quadrant subjectif singulier
se développe par la méditation et l’augmentation du niveau de culture de chaque
individu. C’est un travail sur soi qui a notamment été utilisé en Inde par
Gandhi et Aurobindo. Ce travail développe le sens de l’empathie et donc de la
justice et du bien commun. Il permet à l’individu de cerner ses propres
automatismes de pensées ainsi que les idéologies qui l’empêchent de prendre du
recul par rapport à son propre égo. La métaphore méditative la plus courante et
la plus appropriée consiste à visualiser ses pensées et ses émotions et à les
contempler sans se perdre en elles à la manière d’un homme qui regarderait
défiler les nuages dans le ciel.
Le développement technologique n’est pas suffisamment avancé
pour qu’une évolution technologique remplace l’évolution biologique en ce qui
concerne le cerveau humain. Les progrès en terme d’alimentation, de médication
et d’intelligence artificielle sont néanmoins les premiers signes de développement
de ce quadrant. Les problèmes éthiques sont une autre question qui nécessitent
aussi le développement des autres quadrants.
Ce quadrant correspond à la
vision du monde. La lutte des intellectuels correspond à une lutte pour imposer
leur vision du monde qui peut être plus ou moins élevée selon le développement
des quadrants subjectifs individuels de ces intellectuels. Cette lutte pour
imposer une idéologie, ou une superstructure dépend généralement de la maîtrise
de l’infrastructure, c’est-à-dire du quadrant inférieur gauche.
La maîtrise du quadrant inférieur
droit passe par la maîtrise des médias et d’internet. C’est aujourd’hui le
principal facteur de changements dans le monde et c’est l’arrivée de l’internet
qui permet à des personnes ayant développé leur vision du monde (quadrant
supérieur gauche) de diffuser leurs idées au détriment du système de domination
qui cherche à diffuser dans les médias plus traditionnels (télévision, journaux,…)
les idéologies du système de domination afin de conserver son pouvoir.
-
Revenir aux faits et éviter les sophismes :
Aucun débat politique ne peut
faire abstraction des idéologies. Néanmoins, il est possible d’éviter le niveau
du débat en commençant au préalable de tout débat par se mettre d’accord sur un
ensemble de faits qui ensuite seront interprétés suivant les idéologies. La
seconde étape est de recenser et d’apprendre à distinguer les sophismes (livre
de Schopenhauer à ce sujet) et de diffuser autant de perspectives
d’informations que possibles comme c’est le cas avec internet pour que les
individus développent es capacités de tri et de filtrage de l’information ainsi
qu’une capacité d’analyser des perspectives multiples. Les sources
d’informations permettant de remonter aux faits telles que wikisource
constituent un moyen efficace de lutte contre l’idéologie.
-
Favoriser un plus haut degré de démocratie :
Le faible de degré de démocratie
du système est la source de tous les maux d’une société. Il faut donc par tous
les moyens possibles délégitimer la démocratie actuelle et favoriser la hausse
du niveau démocratique. La démocratie doit aussi utiliser un principe local de
subsidiarité. Les arguments avancés contre la démocratie directe par tirage au
sort sont généralement l’incompétence des personnes tirées au sort. Cette
mesure ne pourrait être appliquée de manière optimale qu’avec l’instauration
d’un revenu de base. En effet, pour que le citoyen s’investisse dans la
politique, il lui faut pouvoir subvenir à ses besoins et se prolonger dans le
long terme. De plus, la transition vers une démocratie directe ne pourrait être
que progressive, avec par exemple seulement 10% de citoyens tirés au sort
pendant les premières années. La complexité n’est pas un grand problème puisque
le peuple pourrait toujours faire appel à des commissions d’experts chargés de
traiter les cas trop complexes et le principe de subsidiarité qui consiste à
traiter au niveau local tout ce qui peut être traité à ce niveau permettrait de
gérer les problèmes moins complexes au niveau local par les citoyens. A cela il
faut ajouter que les élus qui dans l’idéal ne pourraient pas renouveler leur
mandat posséderont généralement le savoir-faire pour former les citoyens et
qu’il pourrait très bien y avoir des universités citoyennes destinées à former
les citoyens tirés au sort. Mais surtout, la complexité est essentiellement
artificielle et est destinée par un système de prédation de lobbying à orienter
la richesse créée par les classes productives vers ces lobbys. Les citoyens
pourraient alors réaliser la nature trompeuse de cette complexité et travailler
à réduire cette complexité, ce qui serait d’autant plus bénéfique pour la
société que les rentes de complexités artificielles diminueraient mais aussi
que ces complexités créent des dangers systémiques (« L’effondrement des
sociétés complexes » de Joseph Tainter).
-
La transparence :
Dans une société de guerriers, la
violence est principalement physique. Dans une société bourgeoise, elle est
économique et psychologique. Le fondement principal de cette violence est le
secret. Il faut donc privilégier toutes les formes de transparence, incluant
wikileaks. Je pense que wikileaks est un phénomène fondamental trop souvent
relativisé et les dernières révélations de Snowden selon le principe de
wikileaks témoignent encore de l’importance de cette démarche.
-
La solidarité et l’open-source :
La tradition du don décrite par
Mauss (MAUSS) et plus récemment l’open-source sont autant de modèles qui
attestent d’un besoin humain pour la collaboration qui s’amplifie avec le
développement de l’individu suivant les quatre quadrants.
-
Le revenu de base :
Après la démocratie directe, le
revenu de base est probablement l’outil le plus efficace pour lutter contre
l’oligarchie. Il a aussi l’avantage de dépasser la fausse opposition
libéralisme/socialisme afin de donner pour mission aux dirigeants d’augmenter
le revenu de base en utilisant les deux leviers (le libéralisme pour créer la
richesse te le socialisme pour la distribuer) dans un contexte plus efficace
d’optimisation semblable à l’idée de la courbe Laffer pour la taxation.
-
Distinguer les métiers productifs des métiers
improductifs :
L’accroissement de la part des
activités destructives est liée au lobbying exercé par ces activités (finance,
droit des affaires, publicité, environnement,…) afin de créer des complexités
inutiles destinées à justifier l’existence de ces activités et à déplacer la
richesse réelle créée par les activités productives vers ces activités. Si le
revenu de base et surtout la démocratie directe permettraient de faire
disparaître ce racket lorsque les citoyens en participant à la vie politique
pourront se rendre compte de ce racket en élevant leur niveau de conscience
politique, c’est aussi un devoir de la sphère publique de décider de
l’orientation des forces productives d’une société. Il ne s’agit pas de
basculer dans une économie dirigée puisqu’il ne s’agit pas de répondre à
l’excès du marché par l’excès du dirigisme mais de trouver un équilibre entre
les deux.
-
Réduire la complexité artificielle :
9.
LA QUESTION DU LUXE
10.
LE NEO-ESCLAVAGE DE LA SOCIETE DE SERVICE
La seconde intuition est celle
qu’ont eue les luddites lorsqu’ils ont pensé que les machines allaient
remplacer leur travail mais c’est aussi celle d’économistes tels que Keynes qui
pensaient que les machines allaient remplacer le travail humain. C’est aussi
une intuition que l’on a lorsque l’on se rend compte que l’homme travaille
toujours autant en dépit du progrès technique et que de nombreux travaux
semblent socialement peu utiles.
Mettre le faits dans une autre
couleur pour les distinguer des raisonnements
[1]Maurice
Allais, Combats pour l'Europe, tableaux II-A et II-B pages 496-499.
[2]Maurice
Allais, La Mondialisation... page 478